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Archivos Mensuales: agosto 1998

Le Monde, 13-08-1998
Philip de la Croix

RAMÓN PRADA, COLORISTE DES ASTURIES.

À quelques jours de sa clôture, le Festival interceltique de Lorient a vécu une Nuit Celte mémorable, suite symphonique écrite par le compositeur Ramón Prada, dont c’est la première création d’une telle ampleur. C’était le point d’orgue d’une soirée consacrée aux Asturies, province d’un monde celte en pleine forme artistique.
En spencer blanc, col ouvert, Maximiano Valdés entre sur la scène illuminée. S’emparant d’un micro, le chef présente le plus simplement du monde son orchestre et le oeuvres qu’il va diriger, retransmis sur deux écrans géants placés de chaque côté de la scène. Le festival, à cet instant, bouscule les habitudes du concert. Le public est conquis. C’est la méthode Interceltique (…)
Le morceau de bravoure de cette nuit fut la création mondiale de «La Nuit Celte». Composée par Ramón Prada, cette pièce de quarante-cinq minutes est une suite symphonique pour orchestre, gaita, zanfona (vielle à roue) et ensemble de gaitas. S’appuyant sur un récit de la resistance des Celtes asturiens face à l’envahisseur romain, «La nuit celte» est une musique «à programme».
Bien construite, l’oeuvre raconte sur un mode très expressif, en dix-sept tableaux, l’amour, la bataille, la trahison, la résistance… Le plus fort est qu’on y croit. Avec culot, ce compositeur asturien, dont c’est la première création symphonique, fait accepter une musique simple, bien orchestrée, riche de mille idées.
Ramón Prada sait construire son récit et faire jouer avec l’orchestre deux instruments traditionnels musicalement limités, la gaita et la zanfona. Il crée de belles couleurs sonores, en jouant fréquemment sur l’alternance des pupitres et les effets de surprise par la variation de tempo. Quelques facilités très melodiques, des naïvetés à la fin de l’oeuvre ne gâchent pas notre plaisir. Et le public enthousiaste, applaudissant entre les brefs mouvements, se prend au jeu de l’écoute attentive, avant de faire un triomphe à cette «Nuit Celte» qui doit beaucoup au «Nouveau Monde» de Dvorak pour le thème récurrent, à Rodrigo pour la filiation espagnole et à la musique de film pour l’efficacité.
De cette soirée on regrettera le travail de sape d’un sonorisateur qui a contrecarré la direction précise et délicate du chef. Rénové en 1991, très international et doté d’un remarquable pupitre de cordes pour la plupart issus des Virtuoses de Moscou, l’Orchestre symphonique des Asturies tire très bien son épingle d’un jeu, somme toute, périlleux car l’oeuvre de Ramón Prada, qui revendique tonalité et néoclassicisme, n’est pas aussi aisée à interpréter qu’elle pourrait le laisser croire.